Le Juge propre juge

 

 

 Le juge propre juste et

       irrespectueux

        Luc 18 1-8

Introduction :

 

Le contexte immédiat de la parabole nous parle de la seconde venue de Jésus-Christ. Une mise en garde détaillée est décrite pour solliciter la vigilance de ceux et celles qui attendent son retour en gloire. Le Seigneur prend soin de dire à ses auditeurs qu’il conviendra d’être attentifs aux signes précurseurs de son retour. A ce moment ultime de l’histoire du monde, il ne sera plus question de retourner en arrière (cf. Luc 17 : 31) ou même de prendre ses effets personnels. Jésus insiste sur le caractère de l’urgence dans la solennité des évènements. Il s’agira d’être confiants et concentrés. Dans ce contexte, le Seigneur nous alerte sur le fait qu’un tri se fera naturellement. Seuls ceux qui sont détachés des choses de cette vie pourront savourer le moment solennel, même si le sort de chacun semble aussi varié qu’imprévisible (cf. Luc 17 : 34 -36).

Les disciples, certainement percutés par un tel enseignement, posent alors la question suivante au Maître : « Où donc, Seigneur ? » Il leur dit : « où sera le corps, c'est là que se rassembleront les vautours. » Luc. 17 : 37, version TOB. La réponse du Seigneur est pour le moins énigmatique ! Les disciples sont certainement interloqués : où cela va se passer ? De quel corps s’agit-il ? Qui sont ces vautours ? Fallait-il comprendre que cela faisait référence à la crucifixion du Christ ?  Ces vautours symboliques n’ont-ils pas tenté de détruire ce corps ? (D’ordinaire, les romains avaient pour habitude de livrer les cadavres des suppliciés aux vautours). Quoiqu’il en soit Jésus va développer sa pensée avec la parabole qui suit.

 

Développement :

 

« Jésus leur dit une parabole sur la nécessité pour eux de prier constamment et de ne pas se décourager. Il leur dit : « il y avait dans une ville un juge qui n'avait ni crainte de Dieu ni respect des hommes. Et il y avait dans cette ville une veuve qui venait lui dire : ‹ Rends-moi justice contre mon adversaire. › Il s'y refusa longtemps. Et puis il se dit : ‹ Même si je ne crains pas Dieu ni ne respecte les hommes, eh bien !  Parce que cette veuve m'ennuie, je vais lui rendre justice, pour qu'elle ne vienne pas sans fin me casser la tête. › » Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice. Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Et il les fait attendre ! Je vous le déclare : il leur fera justice bien vite. Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Luc 18 : 1-8, version TOB.

 

 D’emblée, le Seigneur va énoncer le contenu de son enseignement. En tant que grand pédagogue, il pose une affirmation qui aurait dû se trouver en conclusion. De ce fait, il définit le cadre dans lequel cette parabole doit être entendue et comprise. Elle s’inscrit dans un contexte spécial de fin des temps, comme un passage essentiel afin de résister à toutes les épreuves. L’image qui me vient à l’esprit est le tréfilage. Il consiste à réduire la section d’un fil en métal pour obtenir la section désirée. La matière est étirée (éprouvée et forcée) pour la porter à la dimension voulue. Il en sera de même pour les croyants des derniers jours. Ainsi, dans un temps d’épreuves extrêmes, Jésus enjoint à tous les ayant foi de rester concentrés sur la prière. En sous-entendu cette nécessité de prier révèle toute la confiance que chaque fidèle doit placer en son Père des cieux.

Puis la parabole présente plusieurs personnages. Un juge, une veuve, des élus et le Fils de l’homme. Examinons chacun d’entre eux…

  • Le Juge :

Au temps des écrits du Nouveau Testament, les juges en Israël étaient sous domination du sanhédrin. L’occupant romain laissait cette juridiction sous la responsabilité de cette haute autorité religieuse, à l’exception du droit de mort (cf. Matthieu 27 : 1-2) ; L’exemple de Jésus est significatif. Il fut conduit vers Pilate, gouverneur de la Judée, car il avait le titre de procurateur. Sans son aval, il était impossible au sanhédrin de condamner quiconque à mort. La juridiction de cette instance religieuse se bornait à décréter des peines de flagellation ou d’exclusion de la synagogue (l’excommunication de l’époque), mais jamais la peine capitale (cf. Jean 9 : 22 ; 12 : 42 ; 16 : 2 ; Actes 5 : 40…).

Le juge de notre parabole a un caractère bien trempé. Il ne craint ni Dieu, ni personne. En conséquence, il ne respecte aucun humain. Il est en situation de pouvoir absolu. Sa parole clôt définitivement toutes sortes de litiges. La situation impliquait que l’on était obligé de passer par ce personnage si l’on voulait obtenir justice. Certes, le juge pouvait bénéficier de la déposition de témoins. Il pouvait aussi s’appuyer sur les conseils de ses assesseurs, mais en dernier recours, sa fonction lui imposait une injonction finale.

  • Une veuve :

C’est une anonyme comme souvent dans le Nouveau Testament. Il faut se rappeler qu’à cette époque une veuve faisait partie des personnes les plus démunies de la société. Pour bien faire connaître sa triste situation, elle devait porter généralement une robe spéciale. L’Ancien Testament dit « ses habits de veuve » Genèse 38 : 14,19. Des documents apocryphes précisent qu’après avoir enlevé ses bijoux, la veuve se revêtait d’une sorte de sac, devait dénouer sa chevelure et ne plus oindre sa tête (cf. Judith 10 : 3-4 ; 16 : 7-8). Comme nous pouvons le constater, à leurs difficultés de vivre, s’ajoutait une mise à l’écart de la société. De plus, si par malheur une veuve n’avait pas eu la possibilité d’avoir des enfants sa misère était si prégnante qu’elle ne devait sa vie qu’à la générosité du voisinage. Heureusement du temps de Jésus, et par la suite l’église primitive a pris un soin particulier pour que les veuves ne tombent pas en indigence (cf. Actes 6 : 1 ; Jacques1 : 27). L’apôtre Paul donnera quelques conseils à son disciple Timothée concernant le service auprès des veuves. Il fallait qu’elle soit « véritablement veuves », c’est-à-dire n’ayant aucune subsistance provenant d’une famille proche ; Si la veuve avait des enfants, ils leur appartenaient de pourvoir aux besoins de leur mère. Plus contestable, il fallait que celle qui était veuve sans ressources, soit fidèle à Dieu et persévère nuit et jour dans les supplications et les prières. Il fallait qu’elle ait plus de 60 ans et qu’elle n’ait eu qu’un seul mari, qu’elle soit appliquée à toute bonne œuvre, exercé l’hospitalité, lavé les pieds des saints, secouru les malheureux, pratiqué toute espèce de bonnes œuvres. (cf. 1 Timothée 5 : 3,16).

Je ne sais pas si vous partagerez mon sentiment, mais je trouve que ces exigences, de surcroît, devaient peser lourds sur les épaules et le cœur de ces pauvres veuves.

Or, la veuve de notre parabole est l’une d’entre elles. Pour autant, même si elle paraît fragile, elle témoigne d’une force intérieure hors du commun. Sa détermination devient une force tenace et tranquille… 

  • Des élus :

Ils interviennent en conclusion de la parabole. Que désignent-ils ?

Ἐκλεκτός = eklektos = cueilli, choisi, élu ; choisi par Dieu pour obtenir le salut à travers Christ. Les chrétiens sont appelés "choisis ou élus" de Dieu ; le Messie est appelé "élu", comme désigné par Dieu pour la fonction la plus élevée qui se conçoive : choix, sélection, le meilleur de son espèce, le plus excellent.

Dans la parabole, un parallèle est fait entre la veuve qui ne cesse de causer du tracas au juge, et les élus qui crient à Dieu nuit et jour. Ils obtiennent tout deux satisfaction. Le fait d’avoir persévérer leur permet d’apprécier un dénouement heureux.

  • Le Fils de l’homme : « ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου ».

C’est l’appellation privilégiée du Seigneur Jésus. Elle est utilisée 82 fois dans les évangiles (30 fois chez Matthieu ; 14 fois chez Marc ; 25 fois chez Luc ; 13 fois chez Jean). Elle démontre à quel point le Seigneur a voulu être solidaire de notre humanité. L’auteur de l’épître aux Hébreux nous confirme le fait, et nous explique pourquoi il en fut ainsi :

« Aussi devait-il en tous points se faire semblable à ses frères, afin de devenir un grand prêtre miséricordieux en même temps qu'accrédité auprès de Dieu pour effacer les péchés du peuple » Hébreux 2 : 17, version TOB.

Après avoir présenté les personnages de la parabole, essayons d’en percevoir le sens.

Posons en exergue la finalité de la parabole. Elle a pour objectif de nous inciter à persévérer dans la prière dans le contexte du retour du Christ. Cela dit, le Seigneur présente le sujet sous un rapport assez osé pour ne pas dire provocateur. Dans l’analyse du texte, il est clair que le juge est comparé à Dieu qui prodigue sa miséricorde. Mais alors, est-ce que le caractère de ce juge peut s’harmoniser avec celui de Dieu ?

La démarche pédagogique du Seigneur vis-à-vis de ses disciples est audacieuse. Elle fait partie de ces interpellations qui vous rendent perplexes et vous forcent à la réflexion. Il est vrai que l’on pourrait simplement dire que si un humain propre juste et irrespectueux est capable d’un geste de clémence, à plus forte raison notre Père des cieux peut faire encore plus et mieux. Ou alors, faut-il renverser la démonstration : la comparaison de ce juge avec Dieu, ne serait pas ce que le Fils de l’homme pense, mais dépeint et caricature plutôt la mauvaise compréhension que le pouvoir en place pouvait avoir de Dieu. Un peu comme le sondage d’opinion que le Seigneur avait commandé à ses disciples. Et ils ont répondu : certains pensent que tu es Jean-Baptiste, d’autres Elie ou Jérémie (cf. Matthieu 16 : 13-16).

Le procédé est plus évident dans la parabole des talents. Alors même que le Maître symbolise Dieu, celui qui n’avait reçu qu’un talent traduit une pensée populaire : « je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui amasses où tu n’as pas vanné » Matthieu 25 : 24, version LSG, 1982. De nos jours, il en est de même. On nie l’existence de Dieu, car on ne comprend pas qu’il puisse accepter dans sa toute-puissance la souffrance, l’injustice, l’irrespect permanent et même la mort.

 

Conclusion :

 

Jésus explique dans cette parabole le : pourquoi il convient de persévérer dans la prière sans se lasser ? Elle établit un contraste entre l’attitude cynique de ce juge et Dieu le Père.

Si de guerre lasse, ce juge insensible finit par donner raison à une veuve, à combien plus forte raison Dieu fera promptement justice à ceux qui lui font confiance (car la prière exprime bien, avant tout, la confiance).  Il convient de mettre en parallèle la demande insistante et persévérante de cette veuve éplorée avec les cris constants des élus qui aspirent au triomphe de la justice divine. Si les élus crient, c’est parce que la situation devient insupportable. Elle est décrite dans tout le Nouveau Testament (cf. Les ouvriers crient, Jacques 5 : 1-6 ; l’immoralité est partout, 2 Timothée 3 : 1-14 ; le salaire de l’injustice prédomine, 2 Pierre 2 : 9-13 ; 2 Thessaloniciens 2 :7-12, etc.).

La prière devient une nécessité car les évènements mondiaux seront dévastateurs pour la foi. La dernière phrase de la parabole est à mettre en parallèle avec cette autre parole du Christ : « Et si ces jours-là n'étaient abrégés, personne n'aurait la vie sauve ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés » Matthieu 24 : 22, version TOB.

Pour autant que les évènements à venir soient effrayants, le Seigneur nous recommande d’avoir confiance en lui.  Les propos du prophète Esaïe, énoncé dans un contexte tout aussi dramatique, sont ici bien à propos :

« C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, C'est dans le calme et la confiance que sera votre force » Esaïe 30 : 15, version NEG.

                                                                             

                                                                                  Jacques Eychenne 

 

PS : TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible, LSG, version Louis Segond 1982, NEG, nouvelles Editions de Genève.

Vous pouvez retrouver cette réflexion spirituelle sur le site internet : http://chretiens-en-marche.org                                                                                          

 

 

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